Ces deux dernières semaines, une météo instable les WE, et des conditions peu enthousiasmantes en montagne, m'ont conduit à deux reprises à transformer des sorties initialement prévues glace/mixte (et oui, normalement, c'est la saison...) en terrain d'aventure de l'autre côté de la frontière... Histoire de vivre mieux cette frustration, je choisis un endroit magnifique pour son cadre, comme pour son escalade : Montrebei !
Premier acte avec l'équipe jeune FFME :
Après un but neige, au col d'Ares, on opte pour le côté Puente de Montana... Ca tombe finalement pas trop mal, les jeunes qui découvrent le lieu sont ravis d'emprunter le chemin taillé dont ils avaient tellement entendu parlé ! Petit inconvénient, on a prévu d'aller vers le milieu de la paroi et de ce côté, la marche d'approche mais aussi le retour ne sont pas optimum...
Gregory et Pierrick font la "Paul Lalueza", une grande classique de la paroi, pendant que j'ai la chance de parcourir la mythique "via del corbeau" en compagnie d'Agathe et Antoine.
|
Grégory dans le passage d'artif de la Paul Lalueza |
C'est vraiment une voie superbe dans ce niveau. Jamais rien de très dur mais toutes les longueurs sont soutenues...
Antoine attaque la voie et avec Agathe on suit. Il fait carrément pas chaud !
|
Agathe prend la tête |
Le final en cheminée est formateur.
Nous avons trouvé que la fameuse longueur d'off width (qui n'en est pas du tout une, vu que c'est une cheminée...) en 6b n'était pas plus dure que celle d'avant en V+ (made in Bunny...) si ce n'est qu'elle nécessite un peu plus d'abnégation loin au dessus du dernier piton...
Deuxième acte avec l'équipe jeune CAF :
Cette fois ci, pas question de se faire avoir par la neige au col... On fait donc le tour par Ager pour prendre la piste qui conduit au Prado où nous comptons passer 3 jours hors du temps, dans ce havre de paix... Après 2 km de piste, on se fait arrêter par une énorme flaque de boue infranchissable qui nous barre l'accès ! Deuxième tentative et deuxième but d'accès à Montrebei, ça commence franchement à me prendre la tête !!!
On emprunte donc le col (qui n'était plus enneigé...) pour se poser à une heure plus que tardive... Dans ces conditions, on décide de temporiser, histoire de pas se mettre à l'arrache dès le premier jour, et on commence à la cool par une petite journée d'acclimatation a Alsamora.
Avec Simon, je pars dans "facteur de chut" la première voie ouverte dans la paroi. Le reste de la troupe sera dans sa voisine "à 20h, la France a peur".
|
Jeremy attaque la première longueur dans son habit de lumière ! |
|
Du côté de Simon c'est artif dans L1 |
Après une première longueur en 6c sur notre droite, "A 20h..." traverse sur une vire pour venir faire une deuxième longueur commune avec notre voie.
|
Pour nous ça artife toujours tandis que Max libère le 6c+ de L2 |
|
Max en action... Ca penche ! |
Alors que Simon attaque à son tour L2, les filles nous rejoignent pour la longueur commune. Ensuite Marie part dans L3 pour un 6b pas évident !
|
Camille dans L3 |
|
Une rencontre émouvante, mais sans conséquence, contrairement à ce qu'on essaie de nous faire croire... |
Les gars sont déjà sortis et en profitent pour se la couler douce et faire de belles photos !
|
Je rejoins Simon à R3 |
|
Nico détendu, comme à son habitude ! |
|
|
|
La fine équipe au sommet |
Après ce petit échauffement, on décide donc de passer aux choses sérieuses pour aller en paroi de Catalogne !
Marie et Simon qui n'ont jamais grimpé là bas veulent commencer par une classique abordable et en toute logique partent pour le dièdre gris.
|
Trav descendante de L2 pour Simon |
|
Un moniteur de ski qui ne sait pas étaler la crème solaire ! |
Il sortiront largement de jour ce qui va leur permettre de randonner "à vue" la descente pas forcément évidente ...
Pour Nico, Jeremy et Paul, ça sera moins classique avec "Estacion orbital Mir" qui voyage dans des zones plus compactes où la traversée est souvent la solution.
|
Jeremy se régale |
Quant à Camille, Max et moi, on a opté pour une des voies de libre les plus exigeantes du lieu : "Miedo a volar..." au nom évocateur...
Max commence les hostilités avec une superbe longueur de 55 m en 6c, technique et soutenue. Il encape dans la longueur de 7b qu'il enchaîne à la suite d'un beau combat de continuité !
|
Départ de L2 |
|
La trav finale |
Une longueur vraiment pas évidente avec une traversée finale où les pieds brillent par leur absence...
|
vue depuis R2 |
|
Je fais péter le crochet talon qui sauve... |
Suite à cette belle performance, Max cède la place à sa douce moitié, pour deux longueurs de 6c+ pas forcément extrêmes mais qui demandent de la concentration...
|
Camille dans le 6c+ de L3 |
|
A l'assurage, tout va bien |
Nous sommes à l'ombre et un vent très froid s'est levé... Des conditions idéales pour la grimpe mais pas pour poireauter au relais...
|
Grimpe en doudoune et serrage de croutes au programme ! |
|
Camille dans L4 |
C'est à mon tour de passer en tête. Ce 6c me permet de me mettre en douceur dans l'ambiance. Dans ce genre de voie, être en tête ou en second fait une énorme différence...
Vient ensuite pour moi une des plus belles longueurs de la voie et une des plus magistralement ouvertes. Ce 7a, après un départ pêchu, offre une belle errance dans une dalle extrêmement compacte. Chaque décision doit être pesée sous peine de ne pas pouvoir faire marche arrière, quand à la pose de protections, c'est un vrai casse tête...
|
Jusque là, tout va bien... |
|
Pendant que je suis au taquet, Camille pose devant la paroi d'Aragon... |
|
Départ physique mais bien protégeable, la suite sera complétement à l'opposé... |
Cette longueur me demande pas mal de temps et d’énergie. Il va falloir se ressourcer avant d'attaquer la longueur suivante, crux de la voie, ouverte par un des maîtres de l'engagement : Unaï Mendia...
|
préparation et concentration |
Cette longueur présente la particularité d'être équipée de 5 goujons distants de 5 à 6 m pour une cotation obligatoire de 7b, ce qui est finalement très rare...
Impossible de rajouter quelque chose entre ces points avec une escalade
en dalle ultra technique pour les pieds. Les prises
de mains étant microscopiques, il faut lutter pour rester en équilibre...
Mes couinements incessants et mes multiples "fais gaffe!"pour ramper d'un point à l'autre maintiennent mon assureur sous tension...
Max m'avouera plus tard avoir vécu intensément cette longueur ayant la lourde responsabilité de gérer une chute potentielle de 15 m dans du positif !
Pour ma part, en plus de la décharge d'adrénaline provoquée par le fait de se mettre au taquet très loin du point, je sais aussi que la réussite ou l'échec de notre
cordée repose sur mes épaules...
Passé cette longueur, nous savons que c'est gagné. J'enchaîne par deux longueurs supposées plus faciles, mais la fatigue et le rocher délité finissent de m'achever ! La nuit nous cueille à R9. Complétement morts et transis de froid, nous décidons de sortir par la dernière longueur de "La barra del bar". Je repasse le flambeau à Camille pour une dernière cheminée et nous sortons au sommet après 14 h d'un combat à l'issue incertaine...
Sans aucun doute une des plus belles et des plus dures de Montrebei. Merci aux ouvreurs pour leur audace incroyable et un grand merci à Camille et Max de m'avoir accompagné dans cette superbe aventure !