GUIDE DE HAUTE MONTAGNE

lundi 27 octobre 2014

L'alpinisme en bord de mer

Histoire de changer un peu d'air, Carine me propose pour nos quelques jours de vacances une destination "exotique" dans les calanques marseillaises. C'est un massif que je connais peu, mon égo d'alpiniste ayant un peu "snobé" ce secteur pourtant historique de notre activité. N'oublions pas que certaines grandes figures d'après guerre comme Gaston Rébuffat ou Georges Livanos "le Grec" on fait leurs armes ici et se sont montrés loin d'êtres ridicules dans les Dolomites ou le massif du Mont Blanc !

On attaque donc le séjour par une visite à la Candelle et son socle. L'approche depuis la fac de Luminy est déjà idyllique...

La Candelle au fond se dresse fièrement

Il y a un gros mistral aujourd'hui mais nous sommes relativement abrités. On opte pour la voie "Gutemberg" dans le socle (150 m 6a+ max).


Ca change comme vue...

La voie est très sympa, pas trop patinée, bien équipée, des relais 4 étoiles... Bref, de vrai vacances !

On a attaqué un peu tard, mais ces 4 belles longueurs m'ont mis en appétit... La Candelle est un peu un sommet emblématique des Calanques, on va pas en rester là et aller jusqu'au sommet.

Petite marche de transition
Carine au pied de la face, au fond l'impressionnant dévers de la Concave !
Après un pic nique de remise en forme, on attaque "La centrale" (150 m 6b+ max) ouverte en 1941 par... Rebuff' et le grec ! Je ne savais même pas qu'ils avaient fait cordée...

Il est déjà 15h30 quand je me lance dans L1, il va falloir faire efficace... Du coup, je saute R1 et fais relais un peu plus haut dans une superbe grotte (R2 officiel est un peu plus haut). La voie est normalement équipée, mais j'avais pris un jeu de stoppers, utiles dans ce cas là ou si on est un peu juste...

Carine dans L1
Relais dans la grotte

 
Je repars, saute donc R2 officiel et arrive sur une bonne marche à R3.


La voie est vraiment logique et suit une ligne de fissure continue. L4 en 6a+ est vraiment superbe avec une traversée très astucieuse qui permet d’accéder au sommet.

Incroyable trav, chapeau les anciens !
On débouche au sommet avec un vent de folie, il est déjà tard et comme un touriste j'ai pas pris de frontale...


Bonne journée, on rentre de nuit et du coup, le lendemain c'est visite de Marseille.

Sans commentaire...
Jeux de lumière au MUCEM
Le vieux port
MUCEM et cathédrale Major
On se rend ensuite dans le secteur de la Gardiole pour découvrir un autre coin des calanques avec la paroi sauvage du Devenson. Compter 1h30 de magnifique randonnée depuis le col de la Gardiole. La paroi s'attaque par le haut, il faut donc commencer par descendre en rappel !

Jusque là, tout va bien...
Pas pire comme vue...
Notre objectif est la classique "Etat d'urgence" (190m 6c max) bien connue pour sa belle escalade gazeuse.

Demandez le programme (la C)
On attaque donc par des rappels d'accès très vertigineux qui demandent de l'attention. C'est vraiment très raide.




La première longueur en 6c se déroule dans un mur blanc déversant vraiment très sympa.


La suite est un peu déroutante avec une escalade tout en rondeur parsemée de réta pas toujours évidents. L'ambiance est au rendez vous au dessus d'une mer superbe !





Les deux dernières longueurs se déroulent sur un super rocher bien prisu cette fois.




On sort un peu séché par le soleil qui a tapé dur aujourd'hui mais vraiment enthousiasmés par ce lieu magnifique. On profite des magnifiques couleurs de fin de journée.



Vu le temps vraiment magnifique et les températures plus que clémentes, on se dit qu'il serait vraiment idiot de ne pas profiter de la mer en ne faisant que grimper et la regarder de loin... Le jour suivant est donc consacré à la visite "obligatoire" d'une des plus belles calanques marseillaises : "En Vau".

Port Miou
Thaïlande ?
Comme un poisson dans l'eau

On finira ce séjour par une matinée de couenne avant de rentrer à la maison sur le secteur très original de "l'étoile noire". Cette ancienne carrière de grès propose un cadre atypique et des voies originales notamment avec un secteur pourvu de quelques belles fissures à l'américaine (mais équipées...)



En résumé, une superbe destination vacance qui n'a rien à envier à nos plus belles montagnes ! A refaire dès que possible pour la variété de l'escalade et la beauté de ces paysages.

vendredi 10 octobre 2014

Chamonix ice trip

Difficile, en ces 15 premiers jours de septembre, d'ignorer les excellentes conditions qui règnent dans la face nord des grandes Jorasses ! Je suis bloqué à la maison, et reçois 3 textos par jours des copains qui enchainent les voies à une vitesse vertigineuse...

Mais l'automne en est qu'à son début et avec Charles, on se dit qu'on aura notre revanche !

Première tentative fin Septembre où on se fait piéger par une météo qui change au dernier moment et 1500 Km parcourus en 2 jours... Ca fait cher la soirée avec les copains chamoniards !

On a de nouveau une dispo et la météo à l'air favorable même si les conditions dans la face ne sont plus vraiment les mêmes... On peut partir le vendredi, le samedi est annoncé beau et le dimanche vraiment pas terrible... Notre projet de faire une voie sur 2 jours s’évanouit mais la motivation étant là, on décide de jouer sur cette journée de beau en faisant une "classique" à la journée.

Départ à 7h de la maison, 7h de route plus tard on arrive à Cham, montée par le plan de l'aiguille pour cause de Montenvers  fermé, arrivée au refuge à 20h, couché à 22h et levé 00h30... Ouf, on va finir par le payer, c'est sûr !!!

On était 14 au refuge et lors de l'approche sur le glacier, les cordées se dirigent vers leurs objectifs. Partis les derniers, on veut surtout faire une voie où on sera seuls. Il y a déjà deux cordées de 3 au pied des "Mc Intyre". Pika, Louison et leur client Karl partent dans "la Belle Hélène", un couple qui va dans "les Slovènes" mais personne dans la Polonaise et ces variantes.

On passe la rimaye facilement, et de nuit, on remonte les 400 premiers mètres dans des pentes neigeuses plutôt barbantes avec peu de possibilité de protections...



Le jour se lève, on laisse continuer devant mes deux collègues et on met le clignotant à gauche vers une série de plaquages suspendus.



Il semblerait qu'on soit passé par la variante "Michto" avec une longueur clef un peu psychologique qui avait bien reçu le chaud, suite au fort vent de foehn de la semaine précédente...


Le placage creux de Michto au dessus de Charles

Passé cette longueur quand même sympa, c'est la déception avec de nouveaux des rampes de glace à 60 degrés ennuyeuses au possible...

On passe l'arête sommitale 10 heures après notre départ mais je suis vraiment déçu par cette voie qui ne présente que peu d'intérêt... Il faut l'avouer, je pense aussi que mes mollets encore un peu frêles (c'est sûr, ça me change des exercices de chez le kiné !) ne m'ont sûrement pas aidé à apprécier cette journée pas franchement palpitante grimpistiquement parlant !

Bien content d'être arrivé !
Ca ne sera pas mon plus beau souvenir dans les grandes Jo mais pour le coup, j'ai vraiment apprécié la descente que j'ai trouvé belle et variée...

Après une journée de repos, l'envie de retourner en montagne se fait sentir. On pensait retourner aux Jorasses mais un foehn très fort en altitude (80 à 100 Km/h à 4000 m) nous en dissuade...
Il faut qu'on se trouve une course moins engagée ou le vent ne rendra pas les choses impossible !

Je rêve depuis mon adolescence de ce trait de glace parfait entre 2 murailles de granit : Le supercouloir du Tacul !


On prend le téléphérique de  l'aiguille dont la cabine aura un peu de mal à rentrer en gare sous les rafales. La descente et l'accès à l'abri Simond se font dans une ambiance hivernale mais nous sommes chaleureusement accueillis par 4 espagnols adorables !



Arrivé au pied de l'attaque directe on est un peu dubitatif... Des coulées incessantes ont plâtré les 2 premières longueurs d'une neige inconsistante...


On sait que ça ne va pas être facile à grimper (et surtout à protéger...) mais la ligne est trop attirante !


Je m'élance dans L1 qui nous rappelle des souvenirs écossais sauf que là c'est bien trop mou pour ancrer mes Coyottes...


La grimpe est psychologiquement très éprouvante et après 1h30 de combat et de nombreux "fais gaffe" je finis par faire un bon relais.




Charles me rejoins sous les coulées et savoure en second le côté aléatoire de cette escalade...




Il repart en tête dans la longueur suivante qui contrairement au topo, s'avèrera moins dure et plus plaisante...



Il règle vite l'affaire et je m'efforce de ne pas trainer car les coulées sont de plus en plus lourdes ! C'est l'occasion de tester la nouvelle veste "Alpinism Man" et un surpantalon "made in Simond"qui sortira d'ici le début d'hiver !

Sortie "la casquette un peu de travers"
Là oui, on est plus dans notre élément avec des longueurs qui grimpent et qui nous tirent plus sur les bras que sur les jambes !

La suite est vraiment incroyablement belle et conforme à toutes ces photos qui m'ont tant fait rêver !




L’esthétisme de la ligne est magnifique et la grimpe dans cette glace bleutée jouissive !


On fait de grandes longueurs de 100 m avec de la corde tendue jusqu'à arriver à la fin des difficultés et au dernier relais chaîné qui permet de descendre en rappel dans la voie.




La suite bien que plus facile est réputée longue. Et je dirais même qu'on a trouvé ça trèèèèès long...


Pas vraiment dur, mais complexe avec une sortie qui se rapproche lentement, mais qui n'arrive jamais...




Le jour décline mais le sommet est proche. Le vent, dont nous avions plutôt été bien protégé jusque là devient de plus en plus présent.


 

Le sommet du Tacul est atteint à la nuit, 12 h après avoir passé la rimaye. Pour le coup, on a vraiment trouvé la voie majeure et incroyablement belle ! Vraiment un incontournable du massif !

Finalement, on s'en tire pas trop mal avec nos 5 jours sur place, 2 voies et 2000 m de glace !